Le décret paru le 30 novembre 2016 au Journal Officiel tend à moderniser le traitement des fichiers en réunissant sur une même base de données les informations contenues dans les passeports et celles des cartes d’identité.

Devant le nombre de contestations que soulève ce projet, le Gouvernement tente de rassurer et apaiser les opposants qui voient en ce fichier de potentiels abus possibles.

Un méga fichier regroupant les données personnelles de la population française

Dans une logique de simplification administrative, le Gouvernement a créé un gigantesque fichier nommé « Titres Electroniques Sécurités » (TES) regroupant les données personnelles de plus de 60 millions de français.

L’idée est de réunir dans une même base de données les informations issues des passeports et des cartes d’identité. Ce qui signifie donc regrouper sur un unique fichier l’état civil, la couleur des yeux, la taille, l’adresse, la filiation, la signature, la photographie de son visage et les empreintes digitales. L’accès à ce méga fichier concerne directement tous les agents habilités à délivrer les passeports et cartes d’identité mais également la police et la gendarmerie « pour les besoins exclusifs de leurs missions », à l’exclusion des images numérisées et empreintes digitales.

En plus de cette modernisation et simplification administrative, le Gouvernement espère parvenir à une réduction efficace des cas de fraude de papiers d’identité.

De vives critiques exercées envers le Gouvernement

Les détracteurs de ce projet mettent en avant la dangerosité du fichier TES. Avec ses millions de données centralisées, cette base de données devient une cible hyper attractive pour les pirates.

La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) a certes validé le fichier mais y a ajouté des réserves liées à un manque de garanties. Elle préconisait notamment de stocker les informations sur une puce dans les papiers d’identité afin notamment que seuls les citoyens en gardent le contrôle.
Difficile cependant à mettre en place en raison du coût que cela représente. Pour rappel, le gouvernement avait annoncé le retrait de la puce électronique du permis de conduire deux mois seulement après son apparition.

En cause également, la période de l’année, un week-end prolongé tout d’abord et une concentration médiatique autour des élections américaines qui confortent l’impression que le Gouvernement a souhaité éviter au maximum que l’attention soit portée sur le fichier. La CNIL regrette aussi l’utilisation d’un décret et non d’une loi qui a laissé le Parlement en dehors de l’élaboration du texte et a ainsi accentué la discrétion du projet.

Le ministre de l’intérieur se veut rassurant

Mercredi 9 novembre, Bernard Cazeneuve a défendu le fichier TES face à l’Assemblée Nationale. S’il refuse la suspension du décret, il a tout de même annoncé plus de contrôles techniques et légaux.

Face aux craintes de pouvoir identifier un individu juste par ses empreintes, le ministre a rappelé que cela était impossible « juridiquement et techniquement ». Selon ses propos, le nouveau projet diffère radicalement de celui qui avait été censuré en 2012 par le Conseil Constitutionnel, qui permettait l’identification d’individus à partir des données biométriques. Les agents ne seront donc pas en capacité de rechercher directement l’identité d’une personne à partir de ce type de données.

Sur le piratage, Bernard Cazeneuve assure qu’il est impossible en raison de l’architecture de la base et que le fichier possède des « protections informatiques dont la robustesse n’est pas espérée mais avérée ». Malgré ses certitudes concernant la sécurité du fichier, il a sollicité l’intervention de l’ANSSI qui devra procéder à un audit d’architecture dont le résultat sera rendu public.

Le débat parlementaire longtemps attendu par les opposants au projet devrait être organisé. Le ministre de l’intérieur précise qu’aucune suspension n’aura lieu mais que ce débat permettra de compléter le décret.

Enfin, les discussions entre Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat au numérique opposée au décret et le ministre de l’intérieur ont abouti à ce que le fichage des empreintes soient soumis au consentement des Français.

Les inquiétudes persistent sur la mise en place du fichier TES

Rien ne semble empêcher la mise en service de ce nouveau fichier déjà testé dans les Yvelines depuis le 8 novembre. Les adversaires au projet insistent pourtant sur le risque inévitable de piratage dû à l’attractivité que représente une telle concentration de données. Et ce, à juste titre puisque rappelons l’attaque subie par les Etats-Unis en mai 2015 où des pirates chinois ont volé plus de quatre millions de données personnelles appartenant à des agents fédéraux. Le président du Conseil National du Numérique, Mounir Mahjoubi confirme à son tour que le risque de piratage ne peut pas être écarté, malgré la totale confiance qu’il accorde aux opérations de l’ANSSI.

A l’aube des élections présidentielles dans un contexte de lutte contre le terrorisme, un fichier regroupant autant d’informations pourrait facilement servir à autre chose que les finalités prévues initialement. C’est d’ailleurs la principale mise en garde de la CNIL que ne semble pas entendre le Gouvernement.
Si le rôle de la Commission n’est que consultatif et donc ne contraint pas le Gouvernement, celui-ci devrait se rappeler que la Commission avait été créée afin de protéger les droits des citoyens face au projet SAFARI qui devait permettre d’identifier chaque individu par un numéro au sein des fichiers administratifs.